KOL * - Londres (No.49 in The World’s 50 Best)
- Florio Anthony
- 17 août
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 août
Mars 2025

À Marylebone, un soir de mars, la lumière se pose sur la façade discrète de KOL comme un voile de fin d’hiver. On entre, et le monde se resserre : murs couleur terre ocre, bois aux veines profondes, cuir patiné, lumières comme filtrées par un soleil couchant. Un décor qui ne cherche pas à séduire d’un coup d’éclat mais à installer une lente respiration — celle qui prépare le palais.
Le chef Santiago Lastra signe ici un voyage biculturel. Chaque plat est un fragment de Mexique réinventé avec la précision et les saisons britanniques. On commence par un bouillon de chapulin, varech et huacatay : fumé, végétal, presque médicinal, il surprend par sa profondeur saline et l’ombre discrète de l’insecte grillé. Puis, un churro de crabe de Cornouailles au dulce de leche joue sur un fil ténu entre douceur lactée et fraîcheur iodée, avec un parfum de marigold qui éclaire l’ensemble — Les saveurs s’installent, franches mais enveloppantes, comme un récit qu’on ne veut pas voir finir.
La série se poursuit avec un tulipe de moule bleue et morilles, nappée d’un mole printanier aux herbes : une bouchée courte mais dense, comme un poème haïku. Puis le nicoatole — crème de fleurs de reine-des-prés, herbes sauvages grillées et caviar — déroule une suavité florale qui évoque les prés humides au matin.
La seiche, céleri-rave et truffe de mer joue un autre registre : plus franc, marin, avec une amertume délicate en fin de bouche. Le taco de langoustine arrive fumant, parfumé au piment, relevé d’une pointe d’argousier : un plat que plusieurs guides décrivent comme l’un des plus maîtrisés de KOL, tant son équilibre est net et immédiat.
Puis vient le huarache : wagyu fondant, orties, ail sauvage, moelle osseuse — une composition charnue, terrienne, qui gagne encore en profondeur grâce au supplément qui vaut chaque livre sterling investie. Après cette puissance, le portobello au mole amarillo surprend par son calme : champignon juteux, œuf de caille mariné, sauce ensoleillée qui arrondit les angles.
La Saint-Jacques de plongé, servi avec rhubarbe et pilpil, incarne cette cuisine qui ne craint pas le minimalisme — quelques éléments, mais un relief acide et iodé d’une précision chirurgicale. On monte ensuite en intensité avec la selle d’agneau au koji de seigle, oseille et piment bueno mulato : plat profond, presque tactile, que le cou d’agneau en barbacoa prolonge avec ses notes fumées, rhubarbe, pico de gallo et salsa arbol.
Le rafraîchissement arrive sous la forme d’une nieve au jalapeño, oseille et fenouil — un interlude piquant, herbacé, qui nettoie le palais sans l’agresser. La jericalla à la rhubarbe forcée et au pasilla ramène le réconfort, avant que les buñuelos au supplément ne viennent clore la marche : glace au Tunworth, argousier, ancho chili — un dessert à la fois lacté, acidulé et chaudement épicé, salué par plusieurs critiques comme l’un des plus beaux équilibres sucrés de la maison.
Le service, lui, a l’art rare de se fondre dans le décor, de se retirer au moment juste pour laisser l’émotion se déposer. Rien de compassé, rien de mécanique. Une écoute véritable, une envie de partager — cela se sent, comme on perçoit l’harmonie dans un plat.
Si l’on voulait chipoter, on pourrait dire que tout est si maîtrisé que l’on aimerait parfois sentir un dérapage, une pulsation plus sauvage. Mais ce serait reprocher à un danseur de ne pas trébucher.
En quittant KOL, je repense à cette phrase de Carlos Fuentes : « Le Mexique est une mosaïque en mouvement. » Ici, Lastra en a recomposé les fragments avec les pierres et les lumières du Royaume-Uni. Le résultat : une envie irrépressible d'y revenir bientôt.




































































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